Des collines à perte de vue, une nature luxuriante, du soleil en veux-tu en voilà, des enfants qui rient et qui jouent et des femmes souriantes …
Voici la carte postale des plantations de thé du Sri Lanka, enfin celle que les brochures touristiques nous vendent ! Mais derrière la beauté de ces paysages se cache une toute autre réalité : une nouvelle forme d’esclavage moderne !
Le Sri Lanka est depuis la colonisation britannique la théière du monde. Alors que l’industrie du thé est devenue la caverne d’Ali baba (money, money !) du pays, les conditions de vie des travailleurs des plantations demeurent extrêmement précaires.

Grosso modo, et comme le résume Siva directeur d’HDO :
« Les travailleurs naissent, vivent, travaillent et meurent dans les plantations.»

Arrivés, ou plutôt importés par les britanniques au 19ème siècle, les ouvriers agricoles des plantations sont appelés les tamouls d’origine indienne (Indian Tamil). Ils viennent des basses castes (les « dalits » qui signifie les opprimés) du Sud de l’Inde et ont été apportés pour travailler bien docilement dans les plantations des colons britanniques du Sri Lanka.

Ce processus d’import de main d’œuvre, qui nous rappelle la traite négrière, a été largement utilisé par les colonisateurs européens pour développer partout dans le monde des plantations destinées à produire au plus bas prix des matières premières agricoles (café, coton, banane par exemple) pour le vieux continent, terre de la civilisation et des droits de l’Homme.

Au Sri Lanka, dans les plantations de thé, la situation n’a pas bougé. Figée dans le temps, la communauté des plantations demeure esclave des plantations.

Ah le bon vieux temps des colonies !

Représentant environ 6 % de la population du pays, ils constituent la communauté la plus marginalisée du pays (c’est pas moi qui le dit c’est la Banque Mondiale).

Enfermés, cloisonnés, isolés, enclavés, les Tamouls travaillent et vivent dans les plantations. Là-bas pas d’avenir en dehors de la plantation. Dans la famille des plantations, j’ai papi qui travaille à l’usine de thé, maman qui cueille le thé dans les montagnes, devine ce que le fils et la fille feront …
« Je voudrais le fils avocat d’affaire et la fille neuro-chirurgienne et député maire de sa ville ! Pioche ! »

Mauvaise pioche : l’objet de leur présence est uniquement fondé sur leur capacité à travailler péniblement dans les plantations. La plantation est un univers clos avec son propre mode de fonctionnement qui marque la vie sociale et culturelle des populations.

La plantation est un univers qui se suffit à lui-même.

Chaque plantation est reliée par des chemins pavés qui ne permettent qu’aux camions et voitures à quatre roues motrices de passer. Cet isolement confine les travailleurs sur leur lieu de travail et les rend dépendants du management de la plantation pour l’ensemble des aspects de leur vie quotidienne.

Plus de 10h par jour, six jours par semaine, ils triment dans les champs ou dans les usines pour nous fournir un thé de qualité dont ils ne verront jamais la couleur (là bas ils boivent du dust tea, littéralement la poussière du thé).

Les femmes doivent cueillir mécaniquement, et pour un salaire journalier de 320 roupies (moins de deux euros et moins que le prix d’un thé au bistrot du coin), plus de 18kg de feuilles de thé, sous peine de ne pas être payées. Chaque feuille ramassée est déposée dans un sac ou une hotte tenue par une sangle enroulée autour du front.

Une sangle autour du front, mieux qu’un bandana !

Sur les montagnes abruptes (je confirme c’est vraiment casse gueule !), les femmes s’accrochent aux collines comme des fourmis dans le froid et l’humidité du matin et la chaleur étouffante de l’après midi. Environ 30 % de la population des plantations vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2007. Ces populations restent assujetties à un régime discriminant leurs droits économiques, sociaux et culturels. L’exploitation économique dont elles sont victimes les confine à une vie précaire dans l’extrême pauvreté.

Après avoir travaillé, les ouvrières rentrent dans leur fourmilière, des lines-rooms au milieu des plantations où s’entassent dans des pièces de quatre sur quatre des dizaines de familles. Héritage des britanniques les ouvriers des plantations vivent encore et toujours dans ces baraquements (en mode Germinal) qu’ils ne possèdent toujours pas !

Selon HDO, seulement 38% des ces line-room ont des sanitaires, 54% ont un accès à l’eau et 12% un accès à l’électricité. Dans ces conditions de vie matérielles précaires l’accès à l’éducation, à la santé et à la protection sociale sont à la charge des entreprises depuis les privatisations. Autant vous dire qu’entre réaliser de plus gros profits et assurer un minimum décent pour les travailleurs, les compagnies ont déjà établi leur priorité ! Maladie respiratoires, accidents de travail, malnutrition sont courants dans les plantations où la situation sanitaire des populations est catastrophique. Le secteur de (ou plutôt le droit à) l’éducation n’est pas mieux loti. Avec un taux d’analphabétisme largement supérieur à la moyenne nationale, les populations sont maintenues dans l’ignorance. Manière de perpétuer un système et de contenir toutes velléités de revendications (bref de changement) ! En résumé pour les compagnies, y’a le bon et le mauvais travailleur … le bon travailleur dans les plantations a des droits mais ne le sait pas et le mauvais travailleur a des droits mais se bat pour qu’ils soient respectés !

Travailleurs pauvres, ces communautés sont également considérées comme des citoyens de seconde zone. Alors qu’ils étaient apatrides jusqu’en 2003, des organisations de la société civile et les Nations Unies ont obtenu du gouvernement sri lankais l’inscription dans la loi de leur citoyenneté sri lankaise. La communauté des plantations est exclue des processus de prise de décision politique ou économique qui les concernent.

Représenté politiquement par le Ceylon Workers Congress, la participation politique des travailleurs est malgré tout inexistante. Pourquoi ? Tout simplement parce que le tout puissant syndicat des plantations est cul et chemise avec les politiques et les entreprises.

Sans voix !

Pour Siva, le directeur d’HDO, « le thé a la couleur rouge du sang des travailleurs, les entreprises multinationales sont en grande partie responsables de cet esclavage moderne. Nous voulons dénoncer ce scandale. La situation des travailleurs du thé doit être connue internationalement afin qu’elle puisse s’améliorer ».

Eh bien c’est justement le but de ce projet ! Faire connaître les conditions de vies dans les plantations pour faire bouger les acteurs européens (toi, vous, nous, les consommateurs, les distributeurs, les entreprises, les multinationales, les politiques etc.)

Thé prévenu, l’esclavage moderne, c’est pas notre tasse de thé !

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